Chroniqué par Nicolas Gilles
Un chouette jeu d'aventure auquel je ne m'attendais absolument pas.Vous avez aimé Disco Elysium ? Vous allez être ravis !
Disco Elysium a marqué un sacré paquet de joueurs... j'en fais partie. Il était question d'une suite, mais vu la merde dans le studio, il y a fort à parier que ce jeu génial n'aura jamais de suite.
Il faut donc se tourner du côté des inspirations. Je n'avais jamais entendu parler de Citizen Sleeper quand je l'ai lancé, c'est donc une jolie petite claque que j'ai pris sans m'y attendre.
Le jeu est développé par Jump Over The Age, un studio composé d'une seule personne, Gareth Damian Martin. On lui doit déjà In Other Waters, un jeu scénarisé assez barré qui préfigure un peu ce que l'on va trouver dans Citizen Sleeper.
Il est épaulé par deux autres personnes. Premièrement Guillaume Singelin pour la direction artistique très réussie car reconnaissable entre milles, qui rappelle un peu les grandes heures de Metal Hurlant.
Ensuite, on a des musiques composées par Amos Roddy. Elles sont discrètes, et contribuent grandement à l'ambiance atypique du jeu.
Le jeu sort en 2022 sur Steam, Switch et Xbox, et en 2023 sur PS4 et PS5.
Une chouette aventure
J'adore ces jeux qui nous mettent directement dans le bain, sans introduction. De plus, ici, on n'est pas amnésique. On incarne une sorte de robot dans un corps de synthèse dans lequel on a injecté votre esprit. Vous avez perdu un peu de souvenirs, mais pas tant que ça.
Vous évoluez sur un vaisseau sur lequel vous vous cachez, car vous êtes en fuite. Ce corps de synthèse hors de prix appartient à une grande société, Essen-Arp. Aux yeux des autres, vous êtes un dormeur. C'est quoi au juste un dormeur ? Bah vous le verrez bien.
Voilà pour la situation de départ. Peu à peu, vous allez en apprendre plus sur la vie sur le vaisseau et, surtout, sur ses habitants et sur le système qui y règne, et qui règne sur l'ensemble de la galaxie. C'est d'une très grande profondeur, et le tout a un côté parfaitement plausible. Tout au long de l'histoire, on a envie d'en savoir plus.
Le jeu est en français, avec une traduction brillante. Et ce n'est pas rien, car cette traduction compte tout de même quelque 180 000 mots ! Mais ce n'est pas non plus in visual novel. On lit beaucoup certes, mais on choisit nos actions.
Un jeu de rôle pur ju
L'interface et le feeling rappellent énormément Disco Elysium : on est un peu perdu, et le jeu nous propose énormément de texte sur le côté de l'écran. Ici, c'est même encore plus dépouillé, il y a quelques dessins et visuels sur la gauche, mais c'est bien dans le texte de la colonne de droite qu'il y a tout ce qu'il faut pour titiller votre imaginaire et vous faire plonger dans le monde de Citizen Sleeper.
Le jeu se déroule en tours, appelés cycles. À chaque cycle, vous bénéficiez de un à cinq dés en fonction de votre barre de vie.
Le jeu ne propose aucun combat, mais intègre pourtant une barre de vie. Cette dernière baisse en fonction des actions, et avec le temps, au gré des cycles. Car votre corps de synthèse doit régulièrement avoir une injection spécifique, sinon vous mourrez.
Vous devez également vous alimenter, sous peine de perdre votre vie plus rapidement.
Chaque dé correspond à une action. Vous pouvez donc effectuer jusqu'à cinq actions maximum par cycle, dans le cas où votre barre de vie est à fond.
L'interface est très claire, et facilement compréhensible. Certaines actions demandent plusieurs cycles. D'autre part, à partir d'un certain temps, vous déclenchez des scènes, qui font avancer le scénario. Il y a donc toujours quelque chose à faire, et il n'y a jamais non plus trop à faire.
De plus, le fait de se nourrir et voir le temps passer irrémédiablement ne colle pas trop la pression. On n'est absolument pas en présence d'un jeu de survie, mais de vie tout court.
Un jeu altruiste
La société dépeinte dans Citizen Sleeper est bien pourrie. Pourtant, même si la vie sur le vaisseau en ruine est miteuse au possible, l'espoir est partout.
Il y a bien quelques dangers, sous forme de situations et de personnes, mais dans l'ensemble le jeu est plein d'espoir.
De plus, il n'y a pas vraiment de difficulté : c'est un jeu de rôles dans le sens traditionnel du terme. Vous faites vos choix, et le scénario progresse. Et ici, pas de manichéisme du genre "rafler le pactole ou laisser mourir le petit enfant handicapé ?". Le jeu est très fin, et chaque situation propose des choix simples. Je ne me suis jamais dit "ah merde, je n'aurais pas dû faire ça". J'ai assumé les conséquences de mes actes, sans me prendre la tête.
Le jeu intègre également quelques personnages non-binaires. C'est bien la mode en ce moment, il parait. Et à priori, l'auteur est très concerné par le sujet. De mon côté, je n'ai pas trouvé ça particulièrement utile ni intéressant, l'écriture inclusive étant assez chiante à lire. Mais c'est une façon de vulgariser cela, le jeu n'étant absolument pas donneur de leçon.
Il faut environ douze heures pour voir le bout de l'aventure. L'ensemble a le rythme qui faut, et les multiples fins permettent différents points de vue pour faire votre propre aventure, et pas celle que l'on vous aurait imposé.
Citizen Sleeper sur Steam Deck
Le jeu est considéré comme jouable, la faute à des textes trop petits. Mais l'interface très riche du jeu fonctionne à merveille sur l'écran de la console portable.