Début 1993, les annonces de consoles de nouvelle génération commencent à pleuvoir. Sony annonce ainsi sa Playstation alors que du côté de Sega c’est la Saturn qui se profile à l’horizon. Nintendo se doit donc de répondre à tout cela. Ce sera fait en dévoilant le Project Reality.
Avec cette nouvelle console, Nintendo tranche radicalement avec ses habitudes puisque le développement ne se fera pas uniquement en interne. La course aux technologies allant de plus en plus vite, il est impossible pour une firme de développer la meilleure technologie sans aide extérieure. Le 23 août 1993, le président de Nintendo Of America annonce : « Nous nous sommes associés à Silicon Graphics pour mettre entre les mains des joueurs une nouvelle génération de consoles de jeux qui aura la puissance d’un superordinateur. » Bien entendu, il faut se méfier : les photos présentées à l’appui montrent des représentations frôlant la réalité virtuelle.
Super Mario 64.
Ce n’est pas très étonnant puisque ce ne sont que de simples images de synthèse prises sur les stations de travail Silicon Graphics : les journalistes n’ont absolument aucune photo ayant rapport avec la bête à proposer à leurs lecteurs. On retrouvera ainsi dans certains magazines spécialisés des photos du T1000 de Terminator 2, puisque les effets spéciaux du film de James Cameron ont été réalisés à l’aide de ce genre d’ordinateurs.
Autre point important, Nintendo affirme ne pas croire en l’ère des 32 bits, il annonce donc que sa console assurera la relève plus rapidement que prévu, du haut de ses 64 bits. Au niveau du média, une fois encore Nintendo surprendra son monde, mais pas forcément dans le bon sens. Plutôt que d’utiliser un support CD-Rom, la firme au plombier préfère se tourner du côté de la cartouche habituelle, prétextant que le CD n’est pas encore assez bien maîtrisé. La cartouche embarque certes moins de données (on annonce 250 Mbits avec une moyenne de 100 Mbits, soit environ 12,5 Mo), mais elle permet de ne pas avoir de temps de chargements. Temps qui feront rage sur les 32 bits de la concurrence.
Mais est-ce réellement un bon choix ? On imagine aisément que cela a surtout été fait pour limiter au maximum le piratage, et permettre à Nintendo de garder la main mise sur les royalties de production de ses cartouches. Dans tous les cas, il en résulte que les jeux seront beaucoup plus chers sur Nintendo 64 que sur Playstation ou Saturn.
Goldeneye : comment prouver que le FPS console peut aussi être grandiose.
La console doit sortir en 1995. Par contre, il est annoncé qu’elle sera disponible dès la fin 1994 dans les salles d’arcade, sous forme de borne dont le hardware sera un dérivé de celui de la version console. Finalement le format sera très peu utilisé et en dehors de Cruisin’ USA et surtout de Killer Instinct, on n’en entendra que très peu parler. Beaucoup affirment que cette annonce n’a été faite que pour permettre à Nintendo de faire patienter les joueurs.
Pour ce qui est de la console en elle-même, on annonce un prix de 250 dollars. Le retard s’accentue, et en novembre 1995 le design final est présenté, sous le nom d’Ultra 64. La date de sortie japonaise est fixée au mois suivant tandis que les Etats-Unis l’auront en Avril 1996. L’Europe est comme toujours bonne dernière ou on annonce une sortie peu après la version américaine.
Le retard s’accumule pour finalement annoncer la sortie américaine en septembre 1996, en même temps que le nom définitif de Nintendo 64. Nintendo affirme que ce retard est dû à l’impossibilité de produire assez de console pour tout le monde lors de la sortie. L’idée est sympa, contrairement à Sony qui ne se posera jamais ce genre de questions. Mais de là à connaître la véracité de ces dires…
A trop repousser la sortie de son produit, Nintendo va produire un clash qui lui coûtera très cher. En effet, Squaresoft, l’éditeur de Final Fantasy entre autre, annonce qu’il ne développera pas le prochain épisode de la série sur Nintendo 64 mais sur une console de la concurrence : la Playstation. La raison est simple : d’une part le retard accumulé pour la sortie fait que Square ne peut plus attendre, et d’autre part le support cartouche n’était pas adapté au jeu. Quand on voit les cinématiques de Final Fantasy VII, on comprend pourquoi.
La sortie du jeu est un carton phénoménal, il contribuera même grandement à démocratiser le genre RPG en Europe, alors qu’il était jusque là très peu répandu. Un gros point noir pour Nintendo qui, déjà décrédibilisé par des dates de sortie non respectées et sans cesse repoussées, va voir passer sous son nez un jeu qui aurait à lui seul justifié l’achat de la console.
Extreme G, un bon jeu en attendant le F-Zero X.
Finalement, le Japon voit arriver la console en septembre 1996. Les ventes sont tout de même très correctes. Cela revient principalement à un jeu : le Mario 64. Premier Mario en 3D, le passage se fait avec une grande maîtrise. Addictif au possible, il va scotcher pas mal de monde. La manette et son stick analogique se révèle elle aussi extrêmement bien adaptée au genre. Nintendo confirme ainsi son aptitude à créer des manettes très confortables. Par contre, elle est très peu pratique pour certaines cartouches, comme les jeux de baston. Ces derniers étant très peu courants sur la 64 bits de Nintendo, cela n’est pas gênant.
La sortie américaine ne sera pas trop repoussée. Par contre il faut attendre 1997 pour voir arriver la console en France. Les magazines utilisent alors très souvent le mot « Arlésienne » pour parler de la machine…
Lors de sa sortie, Nintendo annonce haut et fort que c’est la première 64 bits de l’histoire des jeux vidéo. Les amateurs (ou même connaisseurs, il ne faut pas exagérer lol) d’Atari Jaguar comprendront que ce n’est pas le cas, même si la nouvelle venue est bien plus puissante dans la pratique.
La manette est bonne, la console puissante, tout semble aller pour le mieux finalement… Pourtant les premiers tests annoncent haut et fort la désormais légendaire lacune de la machine : ses graphismes tellement lissés qu’ils en deviennent flous, et le sale effet de brouillard qui donne sans arrêt l’impression de visiter Londres en plein hivers.
Ces défauts seront en partie corrigés avec le temps : les développeurs apprenant à se servir de la console, l’effet de brouillard se dissipera, tandis que la finesse des graphismes sera permise par le Ram Pack qui ajoute de la mémoire vive. Seulement quelques jeux requerront cet accessoire, mais la plupart du temps ce sont des indispensables : Donkey Kong, Perfect Dark (la suite du génial Goldeneye) ou encore Zelda Majorah’s Mask.
Du côté des accessoires, un port sous la manette peut accueillir un Rumble Pack, qui permet de faire vibrer la manette selon les actions effectuées : une première réellement impressionnante. Il est aussi possible de mettre une carte mémoire, mais cela est inutile puisque les jeux étant sur cartouche, ils embarquent tous une pile de sauvegarde.
La première version de la N64, très classique et sobre.
Un petit mot aussi sur l’image de Nintendo et d’un jeu OVNI. La 64 traine le boulet d’être une console pour enfants. Quand on voit des jeux comme Yoshi Story et ses graphismes tout simples mais si mignons, cela n’est pas étonnant. C’est totalement assumé par Nintendo qui privilégie l’originalité à l’aspect mature. Cela permet aussi à la console d’être dans une niche que la concurrence n’envisage que très peu.
Par contre, il faut noter la sortie d’un jeu qui va totalement changer cette donne : Conker’s Bad Fur Day. Développé par la prestigieuse équipe de Rareware – à qui on doit entre autre Goldeneye – le jeu va jeter un sacré pavé dans la marre. Parti pour être un petit jeu de plate-forme mettant en scène un écureuil tout mimi dans le genre de Mister Nutz sur Super Nintendo, les développeurs vont totalement péter les plombs pour sortir l’un des jeux les plus trash de l’histoire des jeux vidéo.
Le gentil écureuil change alors de personnalité et devient un alcoolique notoire qui tape un blanc et se perd après avoir vomi au sortir du troquet. A vous de lui montrer le bon chemin pour rentrer au bercail. Premier objectif : trouver un cacheton pour stopper la gueule de bois. Vous imaginez le type d’humour que l’on y trouve. Génial, et tout simplement indispensable. Le jeu sera d’ailleurs adapté sur Xbox en 2005.
Très décriée, la Nintendo 64 s’est tout de même vendue à près de trente millions d’exemplaires. Un demi-echec pour Nintendo, qui se rattrapera grandement avec la folie Pokemon qui commence à pointer le bout de son nez sur Game Boy.
La manette, à l'époque révolutionnaire et particulièrement bien adaptée aux jeux de plate-forme 3D.
L'édition Pikachu, l'aspect est clairement enfantin.
Quelques cartouches Nintendo 64...
La boîte de l'édition Pikachu de la Nintendo 64.