Cette machine tient une place bien particulière dans le monde des jeux vidéo puisque c'est la première console de salon à avoir proposé la possibilité de changer de jeu par l'intermédiaire de cartouches.
A cette époque, le boom des Pong et autres Tennis faisait rage, mais commençait à s'essouffler : une puce miracle était sortie et permettait de faire du Pong-In-a-Ship, ce qui multiplia encore le nombre de clones du jeu de Tennis popularisé par Nolan Bushnell et Atari. Il était donc temps de trouver un nouveau principe. Atari lançait alors une variante de son jeu, avec Breakout, créé par Steve Jobs (au passage !) qui connu un grand succès, principalement en Arcade.

Fairchild Semiconductors, une division de Fairchild Camera And Instrument Corporation, se lança à son tour dans la grande spirale du jeu vidéo, avec Jerry Lawson à la tête du projet. Mais ces prétentions étaient plutôt techniques : on vit ainsi naître un nouveau processeur durant l'année 1975, le F8, assez puissant pour l'époque. Il faut aussi avouer que cette société n'en était pas à son coup d'essai : depuis 1957 elle faisait figure de maître dans le monde du semi-conducteur. Il est d'ailleurs à noter que Gordon Moore et Robert Noyce, les deux fondateurs d'Intel, ont commencé leur aventure dans cette firme.
La console sort durant l'année 1976 sous le nom de Video Entertainment System, pour 170 dollars.

Autrement, la machine fourmillait de petits détails qui marquaient sa supériorité aussi ergonomique que technique. Premièrement, les manettes étaient détachables, ce qui commençait juste à arriver au niveau des Pong, mais permettaient une utilisation bien plus poussée, proposant notamment un bouton de tir et surtout une croix directionnelle à quatre directions. On était déjà plus à l'aise pour jouer, surtout à deux !

Mais le plus important était que la console était programmable : elle pouvait se voir ajouter un nombre de jeux sans limites par l'intermédiaire de cartouches interchangeables, et c'est ça qui fait figure de tournant dans le monde du jeu. Certains pourraient avancer que l'Odyssee, la première console de jeu lancée par Magnavox en 1974, permettait déjà de changer de jeu par l'intermédiaire de cartouches ; mais ces cartouches ne comportaient en fait pas de ROM et faisaient juste office de communicateur pour jouer aux jeux inclus dans la console. Les cartouches de la Channel F étaient donc bien les premières à proposer des jeux en ROM réellement autonomes. La durée de vie de la console en était grandement allongée ! Les possibilités de profits pour Fairchild étaient de même plus grandes…
Mais attention, Fairchild n'était tout de même pas le seul à avoir pensé à ce fameux système de cartouches. Atari avec son projet Stella - qui deviendra plus tard la VCS - travaillait déjà sur le projet. Mais la Channel F est sortie plus tôt, ravissant à la VCS le statut de première console à cartouches. Il fallait pourtant se dépêcher de lancer ce type de machine, car le syndrome Pong et ses milliards de modèles pouvait refaire surface ! Atari avait quelques problèmes pour financer les recherches de sa nouvelles console, ce qui a conduit à ce retard pour lancer la machine. C'est d'ailleurs en partie pour cela qu'Atari, à la recherche de fonds, accepta d'être rachetée par la Warner en 1976. L'apport de fonds permettra de lancer la console en Septembre 1977 sous le nom de Video Computer System (plus tard renommée 2600 lors de la sortie de la 5200 aux Etats-Unis en 1982). Le nom étant très proche, Fairchild renomme sa console en Channel F pour ne pas que les gens confondent avec la console d'Atari.

Tout comme ce qui sera repris plus tard pour l'Atari VCS 2600, quatre boutons permettaient de choisir le jeu, pour les cartouches disposant de plusieurs jeux, ou bien de permettre des options pour les cartouches ne proposant qu'un seul jeu. Pour lancer un jeu, on devait mettre la console en marche, mettre la cartouche et appuyer sur le bouton Reset. C'est assez marrant de voir qu'il fallait insérer les cartouches lorsque la console était allumée.
Concernant les étiquettes des cartouches, on trouvait en gros le numéro du jeu, comme sur les Videopac, le nom du jeu ainsi qu'une petit manuel très simple sur l'autocollant de la cartouche, une très bonne idée qui aurait méritée d'être reprise par les autres fabricants.
A noter que certains autocollants présents sur les cartouches étaient dessinés par Peter Max, qui s'est entre autre occupé des dessins pour le clip Yellow Submarine des Beatles, ce qui donne un air kitch encore plus prononcé à la console.

La suite est un peu moins glorieuse : la console n'a pas connu le succès qu'elle aurait dû, principalement à cause de la sortie de la VCS, qui sorti un peu moins d'un an plus tard, proposant des graphismes bien meilleurs notamment. Les ventes diminuaient dangereusement, ce qui poussa Fairchild à lancer un nouveau modèle de sa Channel F, sobrement renommé Channel F System 2. Mais la console fut engloutie par le premier crash de l'industrie du jeu vidéo en 1977. Fairchild écoula son stock et stoppa toute activité dans ce domaine. Il développa tout de même 21 cartouches durant l'année 1978. En 1979 une société nommée Zircon racheta tous les droits de la console, y compris le stock de cartouches invendues et les droits sur le fameux projet du System 2. Ce projet visait à recarosser la console sans vraiment apporter de nouvelles caractéristiques (un peu comme ça a été fait avec la Master System et la Megadrive de Sega quelques années plus tard), l'évolution principale étant un nouveau capot et des manettes détachables. La machine sort durant l'année 1978 au prix de 99 dollars (et un petit geste avait été fait pour les possesseurs du premier modèle qui pouvaient l'avoir à 69 dollars).
Ils ne publièrent que cinq jeux et le System 2 avant de définitivement couler avec le second crash de 1984. Tout activité liée à cette console fut stoppée, mais la société continua dans les LCD et autres petits jeux portables.

A noter que la machine n'est pas sortie en France, ce qui la rend très difficile à trouver dans nos contrées, mais par contre on en trouve, sous d'autres noms, en Angleterre (Grandstand) ou en Allemagne (Saba Video Play).
Une machine importante historiquement, mais très peu intéressante en terme de jeux, ces derniers étant très grossiers et pas très originaux. Même au niveau du son, la console ne passait pas par la télévision, il fallait alors baisser le son pour éviter d'entendre un bruit de fond venant de la télé lorsque l'on jouait ; le son, ou plutôt les biiips stridents étaient produits par un haut-parleur présent dans la console.
La machine disposait de deux jeux en ROM, Hockey et Tennis.

Fairchild Channel F côté technique

Microprocesseur : Fairchild F8 à 2 MHz
Mémoire vive : 64 Octets
Vidéo : Des pixels gros comme mon pouce (mais il est pas gros mon pouce)
Son : un beeper en externe
Prix d'origine : 170 $