Chroniqué par Nicolas Gilles
Il y a des jeux comme ça, qui sortent un peu de nulle part, et qui ne font qu'enchaîner les grosses baffes dans la gueule, histoire de bien marquer votre vie de joueur. C'est très rare, mais Disco Elysium fait clairement partie de cette engeance.Mais merde, je suis où ?
C'est ce que se dit le héros du jeu, que vous incarnez, en se réveillant à poil dans un chambre sordide totalement dévastée par ce qui semble avoir été une mémorable nuit alcoolisée.
Bon, là, dès le début, vous comprenez que Disco Elysium n'est pas un jeu comme les autres. Déjà, rien que la patte graphique superbe et totalement atypique confirme l'impression.
Oui, vous vous réveillez comme ça...
Vous avez perdu la mémoire. Le peu que vous savez, c'est que vous êtes flic et que vous devez enquêter sur un meurtre.
Et vous allez bien entendu enquêter sur le meurtre, mais également tout autant sur la recherche de votre identité perdue...
Un vrai jeu de rôles
Disco Elysium est un vrai jeu de rôles, inspiré de ceux que l'on joue sur table. Vous avez une très grande liberté, et on sent bien que vous pouvez partir dans plein de directions différentes.
Oui, ce n'est pas la forme.
Au départ, on est un peu perdu parmi ces 24 compétences réparties en 4 catégories : intelligence, psychisme, physique, moteur. Cela va donc de l'empathie à la force brute, et cela influence énormément votre personnage et le déroulement de l'action.
Un héros balèse va résoudre pas mal de choses par la force là où un héros intelligent arrivera au même résultat en faisant tourner ses méninges.
Il n'y a pas de combats dans le jeu. Ici, on est là pour vivre une aventure, et les actions les plus importantes sont assurées par des jets de dés influencés par vos compétences. Peu à peu, on comprend les compétences que l'on a envie d'augmenter. De plus, certains lancers peuvent être retentés... Et sinon, il reste les sauvegardes, le jeu permettant de sauvegarder ou charger à tout moment, entre deux dialogues.
Sympa.
Dans tous les cas, l'échec d'un lancer ne signifie que très rarement l'échec de la tâche, mais plutôt un nouvel embranchement scénaristique.
Un un scénario qui envoie du bois
La ficelle est ultra éculée dans le monde du jeu vidéo : mettre en scène un héros qui a perdu la mémoire. Bien pratique pour mettre en place un monde parallèle que le joueur ne connaît pas ! Mais un peu téléguidé non ? Eh bien avec Disco Elysium, pas du tout. C'est tellement bien maitrisé que c'en devient même un exemple du genre.
Le scénario est d'une profondeur impressionnante. Le jeu est très (mais vraiment très très) verbeux, mais jamais bavard inutilement.
Il va falloir trouver qui l'a tué.
Heureusement, la traduction française est de grande qualité, parce que le langage utilisé est à l'image du jeu : il peut passer du putassier vulgaire à l'ultra soutenu d'une phrase à l'autre.
On apprend plein de choses sur le monde mis en place, sur la ville de Revachol où se déroule l'action. L'ensemble met en place un monde atypique, dont on peine à placer la date par rapport à notre monde. Mais sur bien des points, ils sont semblables, Disco Elysium prenant un malin plaisir à faire des parallèles toujours très finement amenés.
Des sujets pas banals
De plus, Disco Elysium aborde plein de sujets que l'on n'a pas l'habitude de voir en jeu vidéo : l'économie, le racisme ou encore la politique mondiale.
C'est très documenté, très instruit, et le monde mis en place est totalement plausible et d'une profonde incroyable. Tout est pensé : l'histoire, la géopolitique, mais pas seulement.
Il y a également tous les personnages mis en scène : si on creuse, on peut en apprendre énormément sur eux. Tous ont un vrai background.
Un humour qui ne manque pas de finesse
L'humour est au centre du jeu. Mais pas un humour à vous faire hurler de rire. Ici, il est plutôt question de sourire, car le but est de poser une ambiance légère sur un scénario et un monde mis en place qui n'ont pourtant rien de rigolo.
Il faut dire aussi que votre personnage étant un pochtron notoire, cela donne lieu à tout un tas de scènes d'anthologie... Ou pas, si vous décidez de ne pas boire... Ou peut-être en prenant de la drogue ? Car une fois de plus, on fait ce que l'on veut. Mais qu'est-ce qui est bon et qu'est-ce qui ne l'est pas ?
Au final, le jeu demande 40 heures pour en voir le terme. Mais ferez-vous tout ce qu'il faut pour avoir une bonne fin ? Et que faut-il faire au juste ? Car la différence entre le bien et le mal est parfaitement subjective dans le jeu... Et c'est cela qui le rend si marquant.
Une adaptation Switch au poil
Disco Elysium est ultra verbeux, et son interface originelle sur PC (le jeu est sorti dessus en 2019) est blindée de trucs dans tous les sens. Sans parler du fait que le jeu est avant tout pensé pour être joué à la souris.
La version Switch prend tous ces paramètres en compte et adapte parfaitement le gameplay sans le dénaturer. C'est très simple : on se déplace avec le stick gauche et on sélectionne les interactions avec le stick droit (et on les valide avec le bouton A). Simple et efficace.
On peut définir le niveau de zoom avec les gâchettes. Et là c'est le seul soucis : au niveau de zoom le plus lointain, ça saccade un peu dans les déplacement, mais rien de grave.
Au final, on a un jeu qui est parfaitement adapté à la Switch. J'ai tout particulièrement aimé y jouer en version mobile.