Janvier 1993, Las Vegas, 3DO, une société jusqu'alors inconnue annonce une nouvelle machine qui doit révolutionner le petit monde du jeu. Cette machine devait permettre la symbiose entre le jeu, le divertissement et l'éducation, la plate-forme multimédia par excellence en quelque sorte...
3DO était alors dirigée par Trip Hawkins, très implanté dans le milieu depuis déjà quelques bonnes années. Alors étudiant à Harvard, il monte sa première société afin commercialiser un jeu de plateau basé sur le football américain. Il découvre alors le monde merveilleux des ordinateurs et tombe dans le panneau, il n'en remontra pas ! Il entre chez Apple en tant que 68ème employé en 1978, c'est lui qui est responsable du marketing lors du lancement de l'Apple II, et c'est en partie grâce à lui que cette machine connaîtra un succès chez les professionnels. Quelques années plus tard, en 1982, il quitte Apple pour monte sa propre firme de jeux vidéo qu'il nomme Electronic Arts (eh oui, tout de même !), vous imaginez bien qu'il a contribué activement au succès de cette entreprise !
Mais ce qui frustre le plus Hawkins, c'est le cloisonnement qui règne dans le monde du jeu entre le hard et le soft. Il imagine alors un principe de fonctionnement qui serait non pas limité à une firme mais à un standard que chacun pourrait utiliser, afin de faire "la console universelle".
Le CEO d'Electronic Arts quitte alors la firme qu'il avait créée pour en fonder une autre dans l'année 1990, 3DO, afin de se lancer dans cette grande entreprise. Afin de frapper le plus fort possible, 3DO multiplie les alliances avec d'autres sociétés comme Matsushita, une des plus grosses sociétés d'électronique, A&T, pour les télécomunications, Time Warner et MCA pour le cinéma et bien entendu Electronic Arts pour le jeu.
Après de longs travaux, les ingénieurs mirent au point cette plate forme qu'est la 3DO : un lecteur très avancé pour l'époque, nommé 3DO Interactive Multiplayer, dont le but avoué était de devenir un standard dans le monde de l'informatique comme le VHS l'est pour les magnétoscopes. Les premières présentations de cette machine datent de janvier 1993 au CES de Las Vegas, où il fit grand bruit.
Techniquement, la machine est architecturée autour d'un processeur RISC 32 bits, un co-processeur uniquement dédié à la vidéo permet d'afficher des vidéos en plein écran en trente images par secondes. Le lecteur de CD double vitesse permet de lire les jeux, les films, les CD audio et les Photo-CD. Mais ce qui fait réellement la différence en terme de puissance avec les autres machines, c'est la présence de deux co-processeurs chargés de s'occuper de l'animation et du graphisme ; ces deux chips sont sont ainsi capable de gèrer près de 64 millions de pixels alors que les consoles de l'époque, comme la Megadrive ou la Super Nintendo, plafonaient à 1 million ! On avait ainsi des jeux (malgré le but, ce sont tout de même eux qui ont fait la petite vie de la console) d'une qualité étonnante pour l'époque, comme Crash And Burn par exemple.
Mais même avec de bonnes caractéristiques techniques, il faut de bon jeux, et pour atirer les développeurs, rien de mieux que de leur faciliter la tâche ! 3DO s'est alors attelé à produire les meilleurs outils de développement, mettant à disposition des bibliothèques de routines qui permettent certains effets graphiques, comme la "Transparency" qui permet de gèrer les transparences, l'Anti-Aliasing ou encore le "Lightening" qui permet de gèrer les jeux de lumières, des principes connus actuellement mais à l'époque quelque peu sombres...
Question son, la 3DO n'était pas mal lottie non plus : un DSP permet d'obtenir des sons de qualité CD, mais aussi et surtout la machine utilise la technologie Q-Sound qui permet de gèrer la stéréo (si un son va sortir à gauche ou à droite par exemple).
Au niveau des périphériques, l'ouverture de la machine permet de nombreux accessoires, en vrac : clavier, souris, trackball, modem, lunettes 3D, carte mémoire, synthtiseur, interface vidéo permettant de bracher son caméscope ou son magnétoscope ou encore cartouche Mpeg pour permettre de visionner des films sur CD.
Autant dire qu'avec de telles ambitions et caractéristiques techniques, la presse jubile et l'utilisteur trépigne ! De plus Trip Hawkins clamme haut et fort au salon de Chicago que "302 compagnies ont dores et déjà signé une licence pour développer des produits pour le 3DO Intercative Multiplayer. Il y aura une grande variété de logiciels disponibles pour Noël [1993], dont des titres qui sont déjà assez imressionnants pour tenter les acheteurs qui recherchent une technologie nouvelle destinée aux familles. 17 compagnies présentent 35 titres différents sur notre stand, dont 20 seront certainement disponibles avant Noël. 91 titres sont actuellement en développement. Matsushita présente sa console REAL, qui sera la première 3DO Interactive Multiplayer disponible sur le marché, en septembre (aux Etats-Unis). La console sortira sous la marque Panasonic. Jamais dans l'histoire des ordinateurs ou de l'électronique, une nouvelle plate-forme n'a été autant supportée au stade de fabrication. Notre modèle de démonstration tourne bien, et on peut déjà y voir tourner des films interactifs, des jeux d'action, d'aventure, de sport, des encyclopédies et des titres éducatifs ! Vous pouvez déjà voir à quel point la 3DO offre des expériences incroyablement réalistes, différentes de tout ce qui est proposé sur le marché. Mais n'oubliez pas que les éditeurs ont encore plusieurs mois pour finir leurs produits avant Noël !", la fameuse REAL citée ci-dessus sort donc aux Etats-Unis pour 700$, suivie par la Sanyo pour le Japon.
Côté professionnels, les avis sont très partagés, certains comme Apple ou Sega pensent que la sauce ne prendra pas simplement parce que la machine ne pourra pas arriver à un prix assez bas pour connaître le succès escompté. Bref, les rumeurs vont bon train.
Avec la sortie du CDI dans les même eaux, 3DO rencontre un nouveau concurent sur le créneau de la plate-forme mutilmédia, mais fort de ses nombreuses licences, la firme ne se fait pas trop de soucis.
La suite est beaucoup moins rose et comme tout le monde le sait maintenant, ni le CDI, ni la 3DO ne parvirent à sortir leur épingle du jeu... Ceci est probablement dû au prix très élevé des machines, qui n'a finalement pas pu baisser assez pour toucher le grand public, cette machine dite familiale ne fut en fait achetée que principalement par les hardcore gamers, et là où le bas s'est déchiré c'est que les softs ne leur étaient pas vraiement destinés. Dommage car cette machine est très bien fabriquéen bien pensée dans un monde où tout n'est que brevet et où chacun essaie d'imposer sa façon de faire. Un bon essai manqué, mais très bon essai tout de même...