Rareware, ou Rare, pour les intimesRare, la firme qui a fait les beaux jours de Nintendo en proposant la quasi totalité des incontournables de la Nintendo 64, dispose d'une histoire assez original. Retour sur cette société mythique.

Rareware, plus connu sous le nom plus court Rare, est un acteur encore bien présent dans le cœur de nombreux joueurs nintendomaniaques de leur état. Retour sur les sources d’un des développeurs les plus originaux de notre petit monde vidéoludique.

Genèse
Avant de découvrir le nom de Rare gravé au burin de la pierre philosophale du jeu vidéo, il faut remonter le compteur du temps, pour se retrouver à la fin des année 1970 dans la petite ville anglaise d’Ashby de la Zouch. Là, les frères Stamper, Timoty et Christopher fondent leur première société, Ashby Computer and Graphics. ACG était alors chargée de la commercialisation de bornes d’arcade. Ce n’était donc qu’un travail d’intendance qui consistait à commercialiser et réparer des bornes. Un job qui ne fera pas long feu devant la soif de création des deux frangins.
C’est ainsi que se crée Ultimate durant l’année 1982. Sous titrée Play The Game, le nom est sans équivoque : ici, il est bel et bien question de création de jeux. Plutôt que de se pencher vers le marché de l’arcade, coûteux en développement et au public bien particulier (on ne vend pas aux consommateurs mais aux cafés et autres salles d’arcades qui vont à leur tour ‘louer’ les bornes), il est décidé de travailler dans le monde émergeant de la micro-informatique personnelle. Le micro alors utilisé est le ZX Spectrum de Sinclair, sorti la même année. Les premiers jeux seront Atic Atac, Pssst, Tranz Arm et Jetpac. C’est de loin ce dernier qui est resté dans les anales puisqu’il est le seul à s’être vendu à près de 300 000 exemplaires durant l’année 1983. Il est à noter que ce jeu est disponible en bonus caché dans Donkey Kong 64 sur Nintendo 64…
Les succès s’accumulant, Ultimate pouvait investir correctement dans les jeux en développement, et ainsi surfer sur les différentes vagues de nouveautés et proposer des jeux toujours plus recherchés. On était toujours dans une optique très minimaliste en matière de développement, les équipes étant encore très réduites, mais on voyait déjà la patte de Rare.
Faisant quelques infidélités au Spectrum tout en continuant de développer dessus, Ultimate nous donnera quelques perles sur les machines phares de l’époque : MSX, C64 et CPC464.
Verront ainsi le jour Sabre Wulf, jeu de plates-formes, un genre qui deviendra fétiche à la firme, ou encore Knight Lore. Ce dernier nous pose plus dans un monde d’aventure teinté de magie avec une vue en 3D isométrique. Déjà à l’époque la technicité est un point fort. Les jeux sont développés en langage machine, ce qui permet à cette dernière de cracher plus volontiers ses tripes.
Mais nous ne sommes encore que durant les années 1980, et la façon de faire à cette époque était très différente de maintenant. La presse spécialisée était alors réservée à une certaine élite, et ne comptait que très peu de magazines différents. De même pour la publicité et la communication autour des jeux en général. Nombre de productions vidéoludiques étaient alors indépendantes, et même certaines grosses boites ne communiquaient pas, ou très peu.
Et Ultimate ne communiquait pratiquement pas. Tout fonctionnait parfaitement grâce au bouche à oreille entourant ses précédentes sorties. Si bien que la société s’entoure peu à peu, sans vraiment le vouloir, d’un voile de mystère qui va bien lui servir par la suite, créant une image de marque un peu hors du commun.

Voir plus loin
Les ventes marchent bien, les jeux sur micro se vendent bien et rapportent bien. Le tout couronné par une aura énigmatique qui n’est finalement pas si inutile que ça. Mais lorsque tout va bien, il faut aussi se lancer dans de nouvelles choses. Alors pourquoi ne pas lorgner du côté du monde des consoles ? Le crash de 1984 avait fait place nette et de nouveaux acteurs commençaient à émerger, Nintendo avec sa Nes en tête.
Pour marquer le changement, la firme changera de nom et se nommera Rare. Mais encore faut-il, pour pouvoir développer sur la console de Nintendo, avoir l’avis du grand patron Yamauchi. Il en passait ainsi pour avoir le sacro saint seal of quality Nintendo.
Fort de son savoir faire technique acquis quelques années auparavant avec les bornes d’arcade, les frangins, aidés que quelques employés, mettrons peu de temps avant de comprendre les rouages de la boîte grise et pondre quelques petites démos pas piquées des vers qui leur permettront d’avoir l’autorisation de développer sur Nes.
En même temps, Rare en profitera pour ramifier sa société en lançant une filiale aux Etats-Unis. Le premier jeu sera le très médiocre Slalom. Tout comme sur Spectrum, les hit côtoieront les jeux les plus moyens. S’ensuivront pas mal de cartons (pas la peine de parler des bouses) : Marble Madness, California Games ou encore Wizard & Warriors. Tous ces jeux on les doit à Rare ?!? Non, le développeur s’étant contenté de faire des adaptations de l’arcade vers la console de Nintendo. Il n’en reste pas moins que cela fonctionnera plutôt bien et fera du petit développeur l’un des plus prolixes sur la 8 bit grise avec près de cinquante jeux en huit ans.
Mais au milieu des adaptations, de très bon jeux sortiront, et cette fois issus du cerveau génial des développeurs de Rare. On se souviens encore de Battletoads, un beat’em all déjanté mettant en scène des grenouilles pour le moins agitées, ou encore RC Pro-Am, un jeu de stock car aussi fun que bien réalisé.
L’arrivée de la Game Boy et un peu plus tard de la Super Nintendo permettra à Rare d’adapter ses titres phares, Battletoads en tête. Mais la firme n’est pas encore abonnée exclusivement à Nintendo, puisqu’elle développe quelques adaptations de ses jeux sur consoles Sega. On notera ainsi, et encore une fois, Battletoads sur Megadrive.
Ils se reposent sous leurs lauriers les petits gars ? Pas vraiment, il faut juste admettre qu’ils auront mis un peu de temps avant de sortir la machine à baffes.

La grosse claque
Oui, une belle claque. Comme pour chacune des nouvelles machines sur laquelle Rare doit développer, tout commence par une phase d’étude technologique de la bête. Pour la Super Nintendo, cela ira encore plus loin, en développant, en association avec Silicon Graphics, un moteur de rendu photo réaliste pour la Super Nintendo.
Comme à son habitude, le développeur reste très réservé sur ses travaux en cours, si bien que l’attente se fait fiévreuse. Surtout après les quelques photos qui sont proposées à la presse de leur prochain jeu : Donkey Kong Country. Lors de sa sortie, c’est la grosse claque, personne ne pensait que la 16 bits de Nintendo pouvait sortir des graphismes aussi sublimes ! Cela permettra de vendre huit millions d’exemplaires du jeu à travers le monde. Mais l’association Rare / Silicon Graphics a aussi donné le jour à Killer Instinct, un jeu de baston tout d’abord sorti en arcade pour être finalement adapté bien vite sur Super Nintendo. La concurrence était rude avec Street Fighter II. Il faut avouer que le jeu de Rare ne fait pas le poids face au mythe de Capcom, mais à l’époque Killer Instinct fait tout de même un sacré paquet d’adeptes.
Donkey Kong Country connaîtra une suite, moins surprenante mais toujours aussi forte en terme de gameplay et de plaisir de jeu.

Le temps passe, et Nintendo prépare alors sa Project Reality, nommée ensuite Ultra 64, qui donnera enfin la Nintendo 64. Se passe alors un fait sans précédent : la firme au plombier cherche des développeurs sûrs, pour investir dans sa future console. Rare sera la première firme étrangère à recevoir autant de capitaux de Nintendo. C’est ainsi 25% des parts de marchés de Rare qui seront détenues par Nintendo. Et ces parts ne feront qu’augmenter avec le temps.
Fort de cette arrivée de capitaux, il sera alors possible de se lancer dans le développement de jeux plus poussés, faisant travailler toujours plus de gens. On retiendra bien évidemment Goldeneye, LE jeu qui a permit de démontrer que le FPS pouvait aussi être inoubliable sur console et pas seulement sur PC. Comptons aussi Diddy Kong Racing, qui a offrit aux fans de Mario Kart d’attendre le Messie tardant à arriver, ou encore Banjo Kazoii, et Donkey Kong 64, deux jeux de plates-formes parmi les meilleurs jeux de la Nintendo 64. Perfect Dark sera considéré comme la suite de Goldeneye, mais sans James Bond, Rare n’ayant plus la licence 007.
Attardons-nous quelques peu, maintenant, sur un OVNI. Konker’s Bad Fur Day. Rare devait au départ sortir un jeu de plates-formes en 3D mettant en scène un gentil écureuil, rappelant sans conteste le fameux Mister Nutz sur Super Nintendo. Le développement avance, et le jeu s’annonce somptueux. Puis, plus de nouvelles pendant un certain temps. La presse spécialisée ayant l’habitude de ce comportement au sein de Rare, personne ne s’en inquiète… Mais c’était pour une fois encore sortir la machine à calottes !
Du jeu mimi tout plein, il ne reste rien qu’un écureuil alcoolique. Oui vous avez bien lu ! L’introduction est pour le moins explicite : Konker est au bar, et compte bien y rester. Après avoir gentiment pipeauté sa compagne, il continue de vider des chopines… Pour finalement tenter de rentrer chez lui après avoir copieusement vomi devant le troquet… On le retrouve le lendemain, avec une gueule de bois carabinée, un gros blanc de la soirée passée et dans un endroit qu’il ne connaît pas. A vous maintenant de prendre les commandes pour aider notre ami à retrouver son bercail.
Un jeu étonnant, le plus trash jamais vu sur consoles à l’époque. Et c’est sur une machine Nintendo qu’il voit le jour, un comble, quand on sait la censure qui y règne ! Reste que Nintendo tentait de renouveler son image de marque, se voulant plus mature. Ceci explique certainement cela.
Reste que Konker est un jeu à part, très fun, un peu trop dur, mais tellement étonnant où l’on persévère pour voir jusqu’où va aller l’humour barge et décalé qui cimente le jeu.

La suite ?
La suite n’est pas aussi classique que l’on pourrait le penser, puisque Rare ne développera que Starfox Adventures sur Game Cube, la console suivante de Nintendo. Le jeu est très bon, avec son style mélangeant plates-formes et action comme sait si bien le faire le développeur, mais il manque ce petit plus qui en ferait un jeu inoubliable.
La réelle surprise vient de son rachat par Microsoft, qui, comme Nintendo l’avait fait en son temps, cherche des développeurs de qualité pour assurer le lancement de sa console, la Xbox. Cela lui coûtera tout de même la bagatelle de 375 millions de dollars. Rare surprend beaucoup sur ce coup, mais finalement va du côté de l’argent. Mauvaise moralité ? Peut-être pas, le but est d’avoir plus de moyens pour faire les meilleurs jeux, et ainsi gagner de l’argent…

Rare va réellent travailler pour Microsoft avec sa console Xbox 360. Kameo est l'un des premiers jeux présentés sur le support, et fait avant tout office de démo technique. En effet, ce jeu d'aventure qui reprend pas mal des ingrédients de Starfoxe Adventures met en scène des champs de bataille avec des centaines de personnages, chose encore jamais vu dans une partie temps réel dans un jeu vidéo !
Au final, le jeu est à l'image du starfox : très bon, mais il lui manque encore ce petit truc qui fait que l'on accroche vraiment. C'est la toute la différence entre un bon jeu et un jeu culte. En parlant de jeu culte justement, Rare offrira aux joueurs sur Xbox 360 la suite de Perfect Dark. Nommé simplement Perfect Dark Zero, cet opus déçoit énormément. Au départ prévu sur Nintendo 64, puis sur Game Cube, puis sur Xbox, pour sortir enfin sur 360, le développement hell aura eu raison du plaisir ludique qu'il pourrait procurer. Non pas qu'il soit mauvais, il est tout simple bigrement ordinaire, le tout mâtiné d'une réalisation très discutable.

Une firme qui en a surpris plus d’un, et fait rêver tant d’autres. Et ce n’est pas fini, qui sait ce que l’avenir nous réserve encore comme petits plaisirs, une manette entre les mains ?