Chroniqué par Nicolas Gilles
Aller, on va arrêter de se foutre sur la gueule, de se faire la guerre. Au contraire, on va tâcher de s’entraider, mais juste au sein d’une même tribu. Ce n’est pas parce que l’on ne se bat pas qu’il faut également aider tout le monde hein. Bienvenue dans Neta Tanka, un jeu compétitif où on ne se fout pas sur la gueule.Un Kickstarter réussi
La Boite de Jeux, l’éditeur de Neta Tanka, nous a habitué aux campagnes Kickstarter bien menées, honnêtes et efficaces. Tout est parti de 10 Minutes To Kill, un petit party game efficace, mais un format finalement très peu adapté à un Kickstarter alors en demande de mega gros jeux avec des kilos de figurines. Et cela a pourtant été un succès notable.
Succès également pour Outlive, un jeu de gestion pointu et esthétique qui aura marqué par la qualité de son édition collector, exclusive à Kickstarter. Toutefois, une version retail sera également disponible dans toutes les boutiques de jeux de société, via le circuit traditionnel. Un choix éditorial cher à La Boîte de Jeu qui utilisent au mieux ces deux canaux de distribution que sont le circuit classique et le crowdfunding.
Et ce n’est pas celle de Neta Tanka qui va inverser la tendance. Tout comme Outlive, Neta Tanka était proposé en deux versions : la version de base, que l’on retrouvera par la suite dans le commerce, et la version Deluxe, avec un matos un cran au dessus pour améliorer l’expérience de jeu des matérialistes que nous sommes.
5584 personnes ont répondu présentes, et quelques 333 628 € ont été récoltés. Pas un record, mais pour un jeu de gestion, c’est déjà carrément bien, non ?
Le plateau de jeu est à la fois très chouette et très lisible.
Version Deluxe : c’est la classe
Parlons un peu, maintenant, de cette édition Deluxe. Les changements ne sont pas drastiques, mais permettent aux joueurs de profiter d’une expérience de jeu plus agréable.
Déjà, un système de rangement à base de boîtes en carton permet de remplacer avantageusement un thermoformage. Et pour l’amateur de sachets Zip que je suis, cela permet à la fois de protéger et de ranger méthodiquement le matériel.
Les ressources en bois ont des formes représentatives, le pion premier joueur est joliment découpé en bois (un grand classique, voir un indispensable pour tout jeu digne de ce nom financé par Kickstarter - oui, je suis ironique), etc.
Bon ok, ce n’est que du cosmétique, mais le plus intéressant est très certainement les plateaux de jeu personnels proposant plusieurs épaisseurs de carton. De quoi vous éviter de faire valdinguer vos pions lorsque vous tendez le bras pour prendre votre bière. Une spécificité qui manque par exemple cruellement à Terraforming Mars.
Toutefois, les éditions Kickstarter apportent également des choses en plus que l’on ne retrouvera pas dans le commerce, comme une mini-extension qui permet de prolonger le plaisir de jeu, et la possibilité d’ajouter un cinquième joueur. Dans ce dernier cas, les règles de pose changent, ce qui apporte encore un peu de variété.
L'une des façons de récolter des points est de réaliser des objets d'artisanat.
De la pose d’ouvrier classique
Neta Tanka est super beau, son matériel est au top et bien pensé. Mais bon, il faut y jouer aussi !
Le jeu a été imaginé par RV Rigal, principalement connu pour le très bon Shakespeare. Il illustré par Quentin Regnes dont cela semble être le premier jeu.
Vous incarnez donc des tribus qui vont tâcher de faire en sorte que leur chef devienne le nouveau Neta Tanka, la divinité locale. Neta Tanka est un jeu compétitif, mais ne comptez pas vous foutre sur la gueule (pour ça, il faudra attendre l’arrivée des européens sur le continent Américain).
Ici, vous devrez démontrer vos talents d’entraide et de gestions afin de faire vivre au mieux votre tribu : nourriture, vêtements, bois, tout doit être géré au plus juste afin de prouver que vous pouvez devenir le prochain Neta Tanka.
Et pour ce faire, vous allez devoir poser vos ouvriers (enfin, vos indiens) afin de récolter des ressources et les placer sur votre plateau personnel. Ainsi, vous pouvez construire des tipis, nourrir votre tribu ou encore ériger votre Totem. Autant de constructions qui vous permettront de gagner des points de victoire en fin de partie.
Mais la principale façon de marquer des points, c'est de compléter son plateau personnel (très ergonomique et pratique).
A cela s’ajoute l’artisanat, qui se présente sous forme de cartes à compléter, et qui vous rapportent des points une fois remplies.
Autant dire que les possibilités de marquer des points sont variées. On est presque dans la salade de points.
Mais finalement pas si classique que ça !
Sur le papier, on pourrait penser que Neta Tanka manque d’originalité, et se place parmis les myriades de jeux de pose d’ouvriers qui pullulent sur le marché en 2019.
Et pourtant, une fois les meeples indiens entre les mains, le ressenti est différent des autres jeux du genre.
Déjà, de part son sujet : il faut avouer que les indiens d’Amérique n’ont pas été très souvent mis en scène. On les trouve bien dans un Lewis et Clark ou un Discoveries qui, bien qu’excellent, n’a pas grand chose à voir, tant dans leurs mécaniques (qui se basent sur des dés pour Discoveries et des cartes pour Lewis et Clark) que dans leur thème. Car ici on parle des indiens avant qu’ils ne se fassent défoncer la tronche par les soi-disant gentils cul-bénis partis d’Europe.
L'édition deluxe propose des rangements dans des petites boites bien pratiques.
Le lien : un petit coup de maître en termes de mécaniques
Ensuite, le petit coup de maître de Neta Tanka, c’est son système de lien : si vous posez deux de vos indiens sur deux cases contiguës, vous formez un lien, qui vous donne une action bonus, comme gagner un type de ressource supplémentaire par exemple.
Et cela oriente énormément votre façon de jouer. Car forcément, on tâche de rationaliser ses actions, et donc d’activer un maximum de liens… Le truc, c’est que vos adversaires vont tâcher de faire de même, et que le plateau, même s’il propose beaucoup d’actions, fait que l’on se marche régulièrement sur les pieds.
Autrement, comme dans tout bon jeu de pose d’ouvriers, vos adversaires feront que vous devrez revoir votre stratégie. Heureusement pour vous, il y a toujours moyen de rebondir, mais à vous de trouver comment.
Un plateau double face
Le plateau de jeu est double faces : la première face permet de se familiariser avec le jeu. Toutes les actions d’un même type sont groupées dans une même région. Cela vous facilite donc la création de liens entre vos différents ouvriers sur des cases contiguës.
En revanche, le second plateau est à réserver aux joueurs plus aguerris. Ici, les actions sont disséminées un peu partout sur le plateau, vous forçant à anticiper vos actions et à mieux les penser à l’avance. De quoi renouveler très agréablement l’expérience de jeu.
Neta Tanka, un jeu pour 1-5 joueurs de Hervé Rigal, illustré par Quentin Regnes, édité par La Boîte de Jeu pour des parties d'environ 60-90min.
Age conseillé : 14+.