Chroniqué par Nicolas Gilles
Dominion fait partie des incontournables dans le paysage des jeux de société. Et pour cause : il l’est l’inventeur d’une mécanique dorénavant très utilisée, le deck building.Oh oui, Domine moi !
Heu, désolé pour le titre… C’était juste pour vous dire qu’une fois de plus, il s’agit d’une course au pouvoir dans un monde médiéval.
Dans son thème, Dominion est un jeu typiquement allemand. Comprenez par là que, une fois plus, le thème n’a ici rien à voir avec la mécanique. En gros, on est dans un monde moyenâgeux parce que c’est carrément bien un monde moyenâgeux.
Mais on s’en fout, car comme dans tout bon jeu à l’allemande, on oublie rapidement le thème pour se concentrer sur les mécaniques. Et tant mieux, parce que c’est là que Dominion se révèle juste révolutionnaire.
De plus, Dominion fait le choix de proposer une mécanique pure. Comprenez par là que le jeu n’est constitué QUE de deck building, aucune autre mécanique ne vient s’y imbriquer (enchère, jet de dés, etc.).
Dominion, c'est des cartes, des cartes, et encore des cartes, il y en a des centaines dans la boite !
Mais en fait, c’est quoi le deck building ?
Le principe est très simple : à votre tour, vous pouvez acheter une carte pour enrichir votre jeu. Vous commencez donc avec un jeu (on appelle ça un “deck”) de dix cartes au début de la partie, pour finir avec facilement plusieurs dizaines une petite heure plus tard, lorsque la partie se termine.
Tout l’intérêt de Dominion est de savoir comment vous allez constituer votre deck. Il n’y a donc pas de pioche générale, mais une pioche pour chaque joueur !
Au milieu de la table se trouvent des paquets de cartes identiques, permettant à chacun de prendre les cartes qu’ils souhaite lorsque c’est son tour.
L’objectif dans Dominion, c’est de cumuler le plus de points de victoire, matérialisés par des cartes Domaines qui, lorsque vous les avez en main, ne servent strictement à rien. Autant dire que l’achat de ces dernières est à réserver à la fin de partie, quand vous aurez accumulé assez de puissances de feu (de cartes qui vous permettent d’acheter), sous peine de vous retrouver trop souvent avec des cartes injouables.
Les cartes disponibles dans Dominion
Dominion vous propose plusieurs types de cartes :
- Les cartes “argent”, de valeur 1, 2 ou 3 pièces, vous permettant d’acheter d’autres cartes.
- Les cartes Domaine, qui permettent de gagner des points en fin de partie, mais qui ne servent à rien d’autre lorsque vous les avez en main.
- Les cartes actions, qui vous permettent d’effectuer des actions, comme leur nom l’indique.
Le thermoformage est juste parfait.
Le truc, c’est que la boite de base comporte 25 types de cartes action différentes, mais que chaque partie n’en utilise que 10. C’est le choix de ces 10 cartes qui va grandement influencer votre façon de jouer et apporter des parties très différentes.
Votre tour de jeu se déroule en plusieurs temps, après que vous ayez pioché 5 cartes de votre deck. Vous pouvez ensuite :
- Jouer une carte action et appliquer ses effets : par exemple permettre de jouer X autres cartes d’action, vous donner de l’argent et autres diverses joyeusetés.
- Vous pouvez ensuite acheter une carte en en payant le coût… si vous avez en main assez d’argent, bien entendu.
La partie se termine lorsqu’il n’y a plus de cartes Prinvice (carte de type Domaine qui coûte la bagatelle de 8 pièces).
Un jeu pour autiste ?
Oui, même si pratiquement tout le monde aime Dominion, il a également ses détracteurs. Ces derniers lui reprochent ce qu’ils considèrent être un inconvénient de taille : il n’y a presque aucune interaction entre les joueurs.
Bien entendu, cela dépend des cartes (la carte voleur permet par exemple de voler une carte, tandis que la sorcière pourri votre deck avec des cartes malus), mais il est clair que certaines parties n’auront strictement aucune interaction.
Pour les nouveaux joueurs, pas forcément habitués à la frustration du blocage, c’est finalement une bonne chose, et fait de Dominion un jeu idéal pour initier le grand public à la passion qui nous anime. Mais heureusement, il est bien plus que ça.
C’est impressionnant comme le fait de tirer les cartes Action au hasard change radicalement les parties, vous forçant à adapter votre stratégie. C’est en cela - et non dans les interactions entre les joueurs - qu’est la force de Dominion.
Une horreur pour les matérialistes compulsifs
Vous aimez manger des chips pendant que vous jouez à Dominion et vous adorez battre sauvagement les cartes ? Alors ce paragraphe n’est pas pour vous !
L’autre soucis que peut avoir Dominion c’est que la boite compte quelques centaines de cartes. Alors pour les malades du sleeve, ces petits étuis en plastique qui protègent les cartes, cela fait pas mal d’argent à sortir en plus.
Après, le jeu demandant très régulièrement de battre les cartes, ces dernières (non toilées, dommage) s’abîment relativement vite. Mais bon, un jeu de société c’est fait pour servir non ?
Allez, reprenez une chips, ça me fait plaisir.
Et le deck building fut
Comme souvent pour ce qui devient un grand classique, on se dit : “mais pourquoi avoir attendu 2008 pour y penser ?”. A ma connaissance, il n’y a en effet pas de précédent à la mécanique de Dominion.
La critique ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisque Dominion a raflé le prix le plus prestigieux auquel peut prétendre un jeu de société : le Spiel des Jahres 2009.
Et extensions à la pelle
Et qui dit jeu à succès, dit extensions à foison ! Et c’est forcément le cas avec Dominion, surtout que le principe des cartes actions s’y prête particulièrement bien.
On retrouve donc différentes boites qui proposent chacune leur lot de cartes supplémentaires qui viennent à chaque fois changer le jeu et renouveler encore et encore l’intérêt d’un jeu qui semble inépuisable.
Toutefois, les extensions sont assez chères, car elles comportent finalement souvent presque autant de cartes que la boîte de base. Mais quand on aime...
Dominion, un jeu pour 2-4 joueurs de Donald X. Vaccarino, illustré par Matthias Catrein, édité par Ystari pour des parties d'environ 30min.
Age conseillé : 8+.