Chroniqué par Nicolas Gilles
Il y a des jeux de société qui marquent leur époque. The 7th Continent est de ceux là. Mais souvent, quand on n’y a pas encore joué, il parait énorme, complexe, difficile à approcher. Pourtant, ce n’est pas le cas, et je vais tenter de vous expliquer pourquoi vous devez y jouer !L’un des plus gros Kickstarter de jeux de société
The 7th Continent, c’est d’abord l’un des plus gros Kickstarter de tous les temps (enfin, à l’heure où j’écris ces lignes, c’est le cas).
Le jeu a connu deux campagnes Kickstarter. La première, lancée en septembre 2015, avait convaincu 12 103 contributeurs et généré 1,22 millions de dollars.
Une seconde campagne a été lancée en octobre 2017 a carrément tout explosé. Elle propose à nouveau le jeu de base de la campagne de 2015, mais propose en plus - et surtout - une extension nommée “What Goes Up, Must Come Down” et donc la boite est blanche.
Beaucoup de passionnés de jeu de plateau avaient entendu parler du jeu sans forcément pouvoir y jouer : eh oui, si on ne faisait pas partie du happy few des 12 000 backers originels, pas possible d’y jouer sans dépenser un rein sur le marché de l’occasion !
Explorez un vaste mon à partir de simples cartes à jouer !
Autant dire que l’engouement a été intense, si bien que 43 733 personnes ont craqué pour le jeu (dont le crétin qui écrit ces lignes), générant la somme astronomique de 7 millions de dollars !
Quand on sait que le jeu est dû à deux auteurs, Ludovic Roudy et Bruno Sautter, qui bossent seuls, c’est un vraiment beau succès, parfaitement mérité vu la qualité du jeu.
Un modèle de campagne Kickstarter
Les campagnes Kickstarter, c’est souvent un ramassi de soucis. Des délais, mais également des erreurs et compagnie.
Et là, les gars de Serious Poulp (l’éditeur du jeu) ont fait un sacrément beau boulot en sachant écouter la communauté et corriger leur jeu.
Au point qu’avec l’extension, ils sont allés jusqu’à renvoyer l’ensemble des cartes du jeu de base, qui avaient visiblement un soucis de couleur, ou je ne sais quoi exactement.
Visuellement, c'est à la fois riche et très lisible.
De mon côté, j’ai fait les 4 scénarios de la boîte de base avec les cartes d’origine sans jamais constater le moindre problème.
Une vraie fausse exclusivité Kickstarter ?
Au départ, The 7th Continent est une exclusivité Kickstarter. Après deux campagnes, cela devait être fini (les auteurs l’ont annoncé à différents endroits du net et dans des podcasts).
Pourtant, fin 2019, on voit poindre un The 7th Continent en boutique. Et tant pis pour les élitistes qui croyaient disposer d’une petite perle à laquelle le grand public ne pourrait pas jouer.
La version boutique est une version dont le matériel est d’une qualité un poil en dessous de la version Kickstarter (on n’y trouve pas, par exemple, les figurines en plastique mais des éléments en carton).
De même, il ne propose que trois malédictions (et donc trois scénarios) là où la version Kickstater en propose quatre (sans parler des malédictions supplémentaires que l’on pouvait acheter durant la campagne).
Vous disposerez d'un équipement, c'est la seule utilisation qu'auront vos dés.
Les auteurs ont-ils renié leur parole ? Oui, d’une certaine façon, car la version boutique est très proche de la version Kickstarter ; c’est clairement le même jeu.
Mais faut-il leur jeter la pierre pour cela ? Moi je m’en garderai bien, puisque je suis trop content que tout le monde puisse avoir accès à cet excellent jeu au gameplay novateur sans avoir à dépenser plus que le prix d’origine sur le marché de l’occasion.
Un jeu de cartes dont vous êtes le héros
Un sacrément gros jeu de cartes, puisque la boite de base de The 7th Continent comporte plus de 900 cartes.
Le jeu se compose de différents scénarios (que l’on appelle ici des malédictions) qui nous invitent à explorer le Septième Continent.
Concrètement, on commence par prendre connaissance de la carte indice de la malédiction que l’on joue. C’est souvent très flou, car cela ne tient que sur une seule petite carte. Et pourtant, ça marche !
Chaque carte vous raconte une histoire, voir vous pose un casse-tête.
On se place ensuite sur la carte terrain désignée par la carte indice. L’exploration peut alors commencer.
Explorer le 7ème Continent
Autour des cartes terrain, on place des cartes événements. Lorsque vous explorez, vous retournez la carte événement et devez la résoudre. Le plus souvent, vous allez prendre cher, le jeu jouant clairement la carte de la survie.
Ensuite, vous allez placer la carte du numéro correspondant, juste à côté de la carte terrain dont vous venez. Durant la partie, vous allez donc passer par mal de temps à placer des cartes les unes à côté des autres, pour voir se profiler sous vos yeux, heure après heure, la carte géographique du fameux septième continent.
Et c’est là que les auteurs ont fait fort : on apprend. Une fois la première malédiction terminée, on commence par connaître la géographie des lieux. Le mieux est même de prendre des notes, voir de faire des photos, afin de cartographier vous-même l’univers traversé. Et rien que pour cela, le jeu est un vrai plaisir plein d’originalité, qui rappelle les heures passées à faire des cartes sur un Dungeon Master sur Atari ST ou Amiga.
Comme quoi, il est toujours possible d’innover dans le milieu du jeu de société.
Vous allez pas mal manipuler les cartes, mais le rangement est clairement pensé pour vous faciliter la vie.
La pioche, c’est la vie
The 7th Continent se base sur un système de pioche commun à tous les joueurs. Cette pioche vous permet indirectement de constituer votre main, mais surtout de réagir face aux aléas du terrain.
Ainsi, vous allez avoir régulièrement à tirer des cartes afin de générer des succès. Ces succès sont matérialisés par des étoiles et des demi-étoiles. Deux demi-étoiles sur deux cartes différentes feront une étoile, et donc un succès.
Beaucoup d’événement vous demandent de tirer un certain nombre de cartes et de générer un certain nombre de succès pour pouvoir réussir l’événement.
Par exemple, vous devrez piocher au moins trois cartes et avoir au moins deux réussites (et donc deux étoiles).
Il faudra donc jouer avec les probabilités : plus vous tirez de cartes, plus vous avez de chance de réussir l’action.
Votre jeu de cartes et votre défausse : vos biens les plus précieux !
Sauf que, forcément, ce n’est pas si simple, car cette pioche correspond à votre vie ! Si vous n’avez plus de cartes, vous perdez la partie. Heureusement, de nombreux événements vous permettent de récupérer des cartes de la défausse, mais vous serez sans arrêt en train de chérir votre pioche et avoir peur de tirer chaque carte...
Une alternative particulièrement astucieuse aux dés.
Des parties de 20 heures ?!?
Oui, les parties de The 7th Continent prennent entre 15 et 20h. Cela peut faire peur, mais le jeu est clairement pensé pour être joué par sessions de 1h à 2h.
En cela, le système de sauvegarde est juste parfait : on range toutes les cartes terrain, sauf celle sur laquelle se trouvent les joueurs. Et lors de la partie suivante, il n’y a qu’à poser la carte terrain au milieu de la table pour continuer l’exploration.
On peut également craindre de mourir bêtement au bout d’une dizaine d’heures. Difficile alors d’avoir le courage de recommencer la malédiction concernée. Pourtant, ce n’est pas rédhibitoire.
Le rangement de la boite.
Déjà, la difficulté de The 7th Continent n’est pas trop élevée, même si elle fait intervenir le facteur chance.
Ensuite, The 7th Continent est un jeu coopératif. Et du coup, dans un jeu coopératif, si on triche un peu contre le jeu pour éviter de perdre quelques heures de jeu, personne ne va se mettre à hurler et retourner la table non ?
Bref, une fois de plus, c’est aux joueurs de faire des choix.
Idéal en solo
C’est la mode, notamment sur Kickstarter, de proposer un mode solo à tous les jeux qui sortent. Sauf que le plus souvent, c’est au pire une rustine ou au mieux un mode de jeu différent qui permet de se familiariser avec les règles.
The 7th Continent est aussi agréable à parcourir seul qu’à plusieurs. D’ailleurs, je pense qu’à plus de deux joueurs ça peut vite devenir le bordel… Mais un bordel intéressant à vivre. Sans parler de la durée des parties qui doit encore s’allonger.
Non, ici on explore seul, ce qui colle bien à l’ambiance plutôt lugubre du jeu.
Dans quel ordre effectuer les malédictions de The 7th Continent ?
Le jeu vous conseille clairement, dans la notice, de commencer par la “La Déesse Vorace”. Et c’est un excellent conseil. Ce scénario, plutôt simple, vous demande principalement d’explorer. Surtout, le petit schéma présent sur la carte d’indice vous guide et vous permet de vous orienter. Une fois terminé ce scénario, vous comprendrez bien mieux les mécaniques du jeu et, surtout, vous saurez vous déplacer sur le continent.
L'Offrande aux Gardiens vous demande de vous balader un peu partout, mais induit également des combats auxquels vous devez vous préparer. Il peut éventuellement constituer une introduction au jeu.
Les deux malédictions suivantes n’ont pas trop d’importance dans l’ordre auquel vous allez y jouer. Simplement, je vous déconseille très fortement de commencer à y jouer sans avoir fait les deux autres, sous peine d'errer sans but sur le continent.
Le Coffret des Damnés va vous demander de réfléchir, et surtout, d’avoir une excellente connaissance de la géographie des lieux.
La Traque Sanguinaire, comme son nom l’indique, ne sera pas de tout repos, et vous fera vous mesurer à des vilains qui vous vous en faire voir de toutes les couleurs.
Pour résumer, l’ordre conseillé est le suivant :
1. La Déesse Vorace
2. L'Offrande aux Gardiens
3. Le Coffret des Damnés
4. La Traque Sanguinaire
7th Continent, un jeu pour 1-4 joueurs de Ludovic Roudy et Bruno Sautter, illustré par Ludovic Roudy, édité par Serious Poulp pour des parties d'environ Quelques dizaines d'heures.
Age conseillé : 14+.